samedi 27 février 2010

Frais de scolarité

Mardi, l'ex-Premier Ministre Lucien Bouchard annonçait la possibilité d'une hausse des frais de scolarité dans les universités de plus de 2000$ par année. L'état se tourne vers les étudiants pour financer les universités.

"Ce matin, dans le journal, vous avez sûrement vu aussi que j'étais pour la hausse des frais de scolarité. Écoutez, les jeunes sont pauvres, ils écrivent au son, pis y'a jamais eu autant de décrochage. J'pense que c'est le temps de leur ajouter de la pression!" (Les Grandes Gueules - Lucien Bouchard - 24 février 2010)

Demoiselle était furieuse, elle qui termine sa première année de bacc. Cette annonce ne me réjouissait pas davantage.

Pourquoi ce malaise? Par comparaison avec les États-Unis et le Canada anglais, force est d'admettre que notre situation n'est pas si mauvaise.

En théorie, l'accessibilité aux études ne devrait pas être affectée. Ce qu'on vise, c'est un taux d'endettement étudiant encore plus élevé.

Le problème est là. Au Québec, on n'a pas les mécanismes de prêts et de bourses permettant à tout jeune d'emprunter pour vivre et pour étudier. À ce sujet, voir entre autres Impatient et Je te comprends.

De plus, sur le marché du travail, on ne reconnaît pas suffisamment l'expertise acquise pour permettre aux étudiants de se remettre adéquatement d'une telle hausse des frais de scolarité. On serait sans doute moins réticent à s'endetter si on était certain d'avoir un salaire décent, nous permettant de bien vivre et de rembourser notre dette adéquatement.

Cela dit, notre rapport à l'argent et à l'effort est peut-être à réviser. Dans la Belle Province, on se retourne de plus en plus vers l'État, qu'on considère État Providence, pour subvenir à nos besoins. Or, pour avoir de l'argent à redistribuer, l'État doit être prospère. Cette prospérité dépend essentiellement du dynamisme de la société.

De ce côté, notre héritage latin semble nous nuire et le syndicalisme n'a guère aidé. On a perdu notre dynamisme et notre goût du dépassement au prix d'une fausse sécurité et du plaisir de courte durée. Même l'éducation a pris ce tournant. Qui a pensé qu'on pouvait apprendre sans se forcer?

À ce sujet, la hausse des frais de scolarité aurait sans doute pour avantage de redonner de la valeur aux études aux yeux des étudiants. De par les coûts impliqués, elle remettrait de l'avant les programmes techniques et professionnels, passablement ignorés en raison de la survalorisation de l'université.

Loin de dissuader, cette mesure redonnerait du sérieux à la formation et pousserait peut-être plutôt les gens à choisir d'étudier, à y mettre les efforts requis et à assumer. C'est triste, mais ce qui est gratuit n'est jamais autant apprécié que ce pour quoi on doit travailler.

Bref, avec les mécanismes de financement appropriés et la reconnaissance adéquate de l'expertise de nos bacheliers, maîtres et doctorants, la hausse des frais de scolarité ne serait peut-être pas une si mauvaise idée. L'expertise a un prix, elle doit être encouragée.

D'autres mesures sont probablement à prioriser, mais ce qui est clair, c'est qu'on a besoin de gros changements de société.

3 commentaires:

Le professeur masqué a dit…

Tu vois, si on augmente les frais de solarité, je connais des étudiants qui vont dire: J,ai payé, je veux mon bac faque coule-moi pas...

D'un autre côté, on est en pénurie de personnel pour certains emplois. On va faire quoi avec certains emplois denandant un diplôme universitaire?

Anonyme a dit…

Un diplôme universitaire pour faire quoi? C'est à se demander quels emplois en demanderont dans un futur rapproché?

Pathfinder a dit…

Prof masqué, je crois que certains étudiants tiennent déjà de tels discours. C'est une question d'intégrité de la part de l'enseignant que d'évaluer correctement ses élèves, peu importe le coût du cours.

D'un autre côté, on emploie déjà plein de travailleurs non qualifiés dans plusieurs milieux. De plus, de nombreux emplois demandent déjà un diplôme universitaire. Augmenter les frais de scolarité (si on donne un accès adéquat au financement et qu'on reconnaît ensuite l'expertise à sa juste valeur sur le marché du travail) ne devrait pas influencer cette réalité.

La question, c'est plutôt de savoir si tous les emplois qui requièrent présentement un diplôme universitaire le méritent vraiment. Dans plusieurs cas, on serait peut-être surpris de s'apercevoir que bien des bacc. sont en fait des techniques déguisées...

Anonyme, je ne suis pas certain de saisir le
sens de ton commentaire. Veux-tu dire que:
- dans plusieurs domaines, la qualité de l'enseignement dispensé au bacc. est ridicule? (Donc pas nécessaire pour exercer un métier?)
- la pénurie de travailleurs dans plein de domaines fera en sorte que de nombreuses personnes sans diplôme seront engagées pour occuper des postes qui demanderaient normalement un diplôme universitaire?
- qu'on (sur)valorise trop les études et qu'on devrait revenir à la base du travail concret et du savoir-faire?

Ce sont toutes là des critiques justifiées et intéressantes.

Cela dit, j'ai l'espoir d'allier expérience pratique et connaissances dans l'enseignement universitaire. Cet idéal, je ne peux espérer l'atteindre sans une solide base de connaissances dans mon domaine d'expertise (d'où une vraie formation universitaire) et sans une expérience pratique réelle. Bref, dans mon cas particulier, un vrai diplôme universitaire et une vraie expérience de travail pour enseigner quelque chose de pertinent à l'université...